La pipistrelle
Bonsoir, Il est l'heure de l'apéritif, tout le monde est content, la partie de pétanque se déroule en bon enfant... le crépuscule s'annonce, les lampadaires s'allument, les langues vont bon train. Seule surprise à ce tableau digne de Pagnol, une silhouette furtive, rapide, fugitive qui tourbillonne autour des réverbères. Un frisson parcourt l'assemblée qui se remémore aussitôt les craintes ancestrales que la vue de cette girouette nocturne faisait ressentir à leurs ancêtres. C'est qu'elle tourne, tourne et tourne encore autour de la lumière, poussant quelquefois de petits cris aigus, chassant inlassablement quelques diptères ou lépidoptères, plus communément appelés moustiques, mouches, cousins ou papillons. Mais au fait, qui de vous la réellement vue, aperçue ou observée? Depuis la terrasse du café, dans votre jardin, au-dessus de votre piscine en train de boire en vol? En fait, vous la connaissez tous, cette petite habitante des greniers, nocturne et volante, craintive de l'homme, de la lumière et de ses prédateurs: la chauve-souris commune, la pipistrelle, mammifère de l'ordre des Chiroptères, famille des Vespertilionidés, Pipistrellus pipistrellus en latin, drôle de nom! Enfin, mieux vaut vivre avec une dénomination pareille, avoir un rôle important dans la nature qu'habiter les égouts et être pourchassé de tous! La pipistrelle est la plus petite et la plus commune de nos chauve-souris. Elle sort courant avril, parfois en mars, dès la tombée de la nuit, en général par petits groupes et parfois en plein jour, mais plus tard dans la saison. Son vol est rapide, saccadé, elle se plaît à chasser autour des sources de lumière, des bâtiments, des arbres, avec des voltes faces et des plongeons rapides, capturant tout insecte volant repéré grâce à son système d'echo-location (mais non, elle n'a rien loué comme personnel intérimaire!!!) qui consiste à émettre des ultras sons qui lui sont renvoyés lorsqu'ils rencontrent un obstacle ou une proie. La journée, elle se réfugie dans un grenier, une cave, une cavité murale, derrière des écorces, dans un arbre creux, sous des tuiles. Si vous êtes sympathique et que vous reconnaissez l'utilité de la chauve-souris dans l'éradication proportionnelle des insectes volants (une pipistrelle adulte peut consommer jusqu'à 280 mouches, ou 30 sauterelles par nuit, essayez d'en faire autant!!!), rien ne vous empêche de lui confectionner un abri fait de quelques planches sur un façade ou un tronc bien exposé, à une hauteur de 4 à 5 mètres. C'est une espèce anthropophile; des colonies de 10 à 250 femelles ont été observées en été au niveau des habitations (greniers, derrière les volets). Leur présence est signalée par leurs déjections, appelée guano tellement elles peuvent être importantes; c'est d'ailleurs un excellent engrais de jardin riche en nitrates. L'hiver approchant, elles se regroupent en petites colonies pour "se tenir chaud", car leur température descend aux environs de 2 à 3° de plus que la température extérieure, leurs pulsations passent de 600 à 10 par minutes avec des pauses respiratoires de 90 minutes; même Jacques Mayol n'a pu en faire autant, preuve d'une "certaine supériorité" de l'animal face à l'homme, surtout par les temps qui courent, je crains le deuxième tour! Ses dimensions sont modestes: de 33 à 51 mm de long pour un envergure de 180 à 240 mm et un poids de 3,5 à 8g, lourd, le bêtion! La reproduction a lieu en automne, et, chose étonnante, les spermatozoïdes vont rester vivants durant 6 mois dans l'utérus de la femelle... Heureusement qu'il n'existe pas de gynéco-v'souris, c'est pas un métier d'avenir avec ces mammifères volants! La maturité sexuelle est atteinte entre un et deux ans, la femelle met bas 1 ou 2 jeunes, sevrés en général à la fin août. Son espérance de vie peut aller de 4 à 16 ans. Les superstitions qui entourent la chauve-souris sont légion: elle s'accroche aux cheveux, suce le sang (beurk!), protège des mauvais sorts séchée et clouée à une porte, augmente la précision du tir lorsqu'on la plonge vivante dans du plomb liquide (Moyen Age), la poudre de son corps séché soigne de nombreux maux, et j'en passe et des meilleures. Non, tout ceci est faux, archi faux! Seules trois espèces de vampires d'Amérique du sud sont hématophages, et les humains n'en sont jamais victimes! Bien au contraire, la présence des chauves-souris montre que la nature est à peu près en bonne santé, et qu'il n'y a pas trop d'insecticides dans l'air. Ses prédateurs naturels sont relativement nombreux, et beaucoup sont des oiseaux de proie, diurnes et nocturnes: la chouette effraie, la hulotte, la chouette chevêche, les hiboux moyens et grands ducs, les faucons crécerelle, hobereau et pèlerin, le milan, la buse et l'épervier. Tout un programme, et ce n'est pas fini; la fouine s'en mêle, le renard, la belette (tiens cela me rappelle une chanson), le blaireau et le putois attrapent les chauves-souris qui colonisent des terriers. Attendez! Il en reste encore: certaines couleuvres s'en occupent lorsqu'elles sont au repos sur un arbre, les rats, les rongeurs arboricoles, la pie et le geai, et même....une grenouille a été observée se gavant d'une chauve-souris tombée à l'eau... on croit rêver, ou plutôt cauchemarder! Heureusement, ce petit et néanmoins charmant mammifère est protégé partout en France depuis 1979. Souhaitons-lui, malgré tout ce qui précède, un bon avenir!